Un portrait réussi est …

un portrait qui éclaire une vie,

qui donne sens,

qui peut inspirer celle qui l’écoute.

Il y a des hasards de la vie qui n’en sont pas.

J’ai contacté Sophie-Charlotte il y a peu pour rejoindre cette collection de portraits de femmes.

Nous ne nous connaissons pas mais elle a accepté notre rencontre.

Elle est veuve, jeune veuve qui vivra ce we le premier anniversaire du décès de son mari, Ben.

Son histoire fait écho à celle de ma maman, Michèle. Elle-même veuve, jeune, à 43 ans et qui avait alors eu un engagement fort pour une association de défense des droits de veuves.

Avec Sophie-charlotte, tu vas entendre une parole forte, qui témoigne d’amour et de transmission.

Je dédie ce portrait à Ben et à Michèle. 

 

IG perso

IG V comme Vie

IG Entrepreneuses créatives

Eyrolles

1 Tu viens de revendre la marketplace Pitimania, tu es auteure de guides et livres best-seller à destination des entrepreneures créatives publiés chez Eyrolles, je t’ai découverte avec V comme vie, que souhaites-tu ajouter pour faire connaissance ?

 

Je viens effectivement de créer V comme vie pour toutes les femmes veuves et pour parler du veuvage. Je me suis inspirée d’un compte américain qui chaque jour raconte une veuve.

J’ai découvert qu’il existait beaucoup de comptes sur le deuil, dont des comptes de croque-morts. Cela m’a donné envie de créer V comme vie après la mort de Ben mon mari, le 14 Février 2020.

J’habite en Normandie et j’ai 3 enfants. J’ai une attache particulière à l’Angleterre. Mon mari était anglais et nous y passons une grande partie des vacances scolaires.

2 Quel est le portrait ou contenu qui parle le plus de toi aujourd’hui ?

femme avec ses chiens dehors à la campagne sophie-charlotte chapman

Il y a 2 photos prises par mes enfants.

L’une est avant le décès et l’autre après le décès de mon mari.

Dans l’une, on me voit à la campagne avec mes chiens.

C’est tout à fait moi avec mes bottes, mon écharpe et les lunettes sur le dessus de la tête.

La photo est très ressemblante, je suis souriante malgré la situation.

Je suis dans mon élément.

3 Peux-tu nous partager un portrait qui te touche ?

couple anniversaire bougies sophie-charlotte Chapman elles se racontent

 

Ce sera la photo que j’ai utilisée – et que j’aime beaucoup – pour annoncer le décès de mon mari.

C’est une photo prise par ma voisine aux 46 ans de mon mari, 1 mois1/2 avant son décès. Il éclate de rire.
En fait, on ne voit pas les bougies mais elles indiquent 3 chiffres : 3, 1, 6 .
On pourrait y lire 316 ans mais c’est plus en réalité 3+1 = 4 puis le 6 soit 46 ans.
Donc sur cette photo, je suis moi-même morte de rire et où lui se fout de moi. C’est la dernière belle photo de nous.
De nous dans l’insouciance de ce qui allait se passer.
C’est une photo prise sur le vif et je l’aime ainsi.

Depuis à son décès, elle m’a été offerte dans un portrait dessiné à la main par ma voisine.

Je fais plusieurs lectures de ce portrait.
Il est toujours dans ma salle de bain et au pied de mon lit.
Elle montre combien nous étions très complices.
C’est une photo emblématique.

4 Un portrait réussi est…

…quelque chose de ressemblant, qui raconte une histoire, qui reste vivant, intemporel.
C’est le moment qui est immortalisé, pas nécessairement ressemblant à l’image qu’on en attend mais bien ressemblant à l’image de nos vies, de nos relations.

Il y a un autre portrait de moi en N & B, pris par ma fille.
Il est tellement moi.
Je ne suis pas apprêtée
Pas souriante.
Mais je l’ai beaucoup apprécié car j’y suis très vraie, comme le miroir de la réalité, sans aucune préparation.

 

femme portrait de profil noir et blanc sophie-charlotte chapman elles se racontent

5 Dans la vie, on a des convictions, des combats. Quelle est la cause qui te tient à coeur?

Mon père est mort d’un cancer, il était fumeur.
Mon mari est mort du stress et du tabac.
Pour autant, je ne me suis pas engagée dans une lutte ou un combat anti tabac.

Je n’ai pas d’engagement public.

Mais ce qui me tient à cœur c’est l’accompagnement et la transmission aux jeunes. On est là sur cette terre pour transmettre.
Cela peut passer par des gestes, des activités quotidiennes, dans le fait d’aider des femmes entrepreneures.
Si j’ai vécu certaines choses ou événements dans ma vie, mon expérience doit pouvoir profiter à d’autres. Même si cela nous est parfois très proche et que ce n’est pas facile.

Récemment, j’ai fait le projet d’une affiche « la vie d’après ». Elle évoque le deuil mais bien plus comment continuer la vie, et continuer avec.

J’ai reçu le message d’une personne qui l’a offerte à sa belle sœur pour l’aider et l’accompagner.

Si mon expérience a pu servir à réconforter dans un moment où on se retrouve seule, sans expérience, je suis heureuse de permettre cette transmission.

 

Site Affiche 

affiche-texte-deuil-600x600

6 « Et je choisis de vivre » est le titre d’un film sur le deuil, réalisé par Nans (de Nus & culottés). On y suit une maman après le deuil de son enfant dans des étapes & des gestes.

Quelle est ta manière de rendre hommage à tes défunts?

Je suis là encore, et toujours dans la transmission.

Je perpétue les gestes et les paroles que le défunt pouvait faire dans une optique de mémoire.
Cette transmission est d’autant plus importante avec mon fils de 7 ans ½.
On en parle tous les jours.

Je préserve aussi les passions de Ben : il a une belle collection d’avions militaires et d’objets de la guerre mondiale. Certains auraient tout fait disparaitre mais pour moi c’est perpétuer sa mémoire sans y mettre une vénération plus qu’il n’est besoin.

Aller en Angleterre, passer du temps dans le cottage.
Continuer ce qu’on avait décidé de faire ensemble.
Essayer de faire en cuisine ses recettes.
Les photos comptent aussi beaucoup.

7 Vous parliez ouvertement de la mort, de l’enterrement avec ton mari. Que vous disiez-vous ?

Il voulait être incinéré et que j’aille disperser ses cendres dans la manche, bien à mi-parcours entre la France et l’Angleterre après un repas dans un fish & chips.
Et il savait pourtant très bien que j’ai le mal de mer.

C’est en partie ce que j’ai fait.

Je suis allée sur un bateau, sur la Manche pour disperser ses cendres.

Je n’ai pas de lieu pour me recueillir.

J’ai choisi de réaliser un autre projet.

Mon lieu de mémoire est un banc.
En Angleterre, c’est une tradition. On peut acheter un banc public pour une concession de 10 ans. On peut alors faire inscrire quelques mots ou un nom sur le banc.
Le banc de Ben a été acheté collectivement avec notamment une participation de son employeur.
C’est mon lieu de mémoire.
Il y est inscrit « personne n’a dit que la vie serait facile ».
C’est une phrase qu’il disait beaucoup et qui interloque les passants.
Lui l’expliquait simplement. Quand il voyait les gens qui se plaignaient, il disait alors que rien n’a été promis de facile, rien n’est dû.
Cette phrase m’aide beaucoup.

8 La chanson que tu chantes pour te faire du bien?

Lui, en écoutait beaucoup, surtout de Queen.

J’écoute 3 chansons de Pink
What about us
Just like fire , qui déchire en terme d’énergie
Beautiful trauma
Et … Just give me a reason

9 Si tu devais te choisir un mentor, qui serait-il?

Aucun mentor ou autres personnes célèbres.

Je resterai fidèle à mes défunts.

Mon père et mon mari.

Ben a été celui qui m’a permis de passer le cap du décès de mon père.

 

Il était contre la pensée unique

Il était partisan de Trump et à cause de cela certains avaient du mal à entendre son discours. Ils s’arrêtaient au fait et pas à la réflexion.

Ben aimait chez Trump son côté dérangeant, perturbateur, pour remettre en question les acquis, les convictions et faire de nouvelles découvertes.

C’était très intéressant chez lui ce choc des cultures entre la France & l’Angleterre.

Il ne s’enfermait pas dans un système qui empêche de réfléchir.

Cela était parfois compliqué dans les discussions familiales.

De bien des manières, il oblige les gens à réfléchir & à ouvrir les yeux, à agir, même avec sa mort. Il témoignait qu’il avait tout préparé pour moi et les enfants en cas de décès. La réalité d’aujourd’hui, de sa mort, fait réfléchir notre entourage.

 

10 Une question à me poser?

Comment j’en suis arrivée à ses portraits et à travailler sur cette thématique ?

Nos rencontres me manquent !
Je crois que l’idée m’est venue d’aller à la rencontre de femmes parce qu’aujourd’hui dans notre contexte de COVID les rencontres sont réduites.

J’ai pensé ces portraits car depuis longtemps, j’aime écouter dans la rencontre. Je suis douée pour accueillir une parole (ou un silence) sans y plaquer mon interprétation ou mon propre parcours de vie. Ces dialogues parlent de confiance et peuvent mettre en lumière des choix.

J’espère à travers ces « confidences » que les paroles des unes éclairent nos vies.

J’ai écrit 10 questions ouvertes. Aux vues des premiers portraits, j’aime écouter comment elles résonnent chez chacune, sans imposer de voyeurisme.

J’ai imaginé ces portraits comme ressemblant à une vraie rencontre où très vite on parle de ce qui compte vraiment… la vie… l’amour… la mort. Je n’ai pas voulu en faire un portrait uniquement tourné autour du deuil ou du portrait. Je pense que nos vies ne se séparent pas entre de multiples petites cases.

Voilà!

Un peu de moi et beaucoup de vous!

Pour partager ensemble et que nous nous inspirions les unes les autres.

 

 

 

portrait femme sophie-charlotte chapman elles se racontent
 

agnès

J’accompagne les femmes et les familles dans la création de portraits de vie & d’hommages à partir de leurs propres photos