Aur0re est une femme qui se raconte.
Depuis longtemps déjà, elle a choisi la forme particulière du scrapbooking avec le Project life pour raconter sa vie de famille avec ses 2 filles. Et dans un monde où les sollicitations créatives sont nombreuses, elle est restée fidèle à ce format. Ses désormais nombreux albums sont un trésor précieux qui va transmettre un témoignage unique sur sa famille qui change, qui grandit.
En l’invitant à ce portrait de femmes, je souhaitais qu’elle nous partage comment elle raconte les différents évènements d’une vie, comment elle tient la distance et ce qu’elle recherche avec ce projet.
1Aurore, tu es très présente sur les réseaux sociaux avec de nombreux projets de scrap. Active, créative, tu viens aussi de déménager avec tes 2 filles collégiennes, que veux tu ajouter pour te présenter?
Tu me connais très bien.
Mes 2 filles sont collégiennes
J’ai toujours été créative depuis ma tendre enfance avec le dessin. J’ai pris des cours dans une école d’arts plastiques. À 20 ans, j’ai touché à d’autres loisirs créatifs. Tous les ans, j’avais une nouvelle marotte : fimo, perles, peinture sur porcelaine….
En 2007, j’ai croisé le chemin du scrapbooking. Je suis tombée dessus et je n’ai quasi plus touchée à autre chose. Si à tout hasard, je m’essaye à autre chose c’est pour le mêler au scrap.
J’ai un métier qui n’est pas créatif en tant qu’assistante qualité en charge de la certification de l’usine et des matières premières. C’est assez binaire. La création me permet de décompresser et de m’évader de cela.
2 Quel est le portrait, photo, scrap, qui aujourd’hui parle le plus de toi?
Que dit-il de toi?
Je pense à ma page de couverture de mon Project life (=PL) de l’année 2022.
Avec le PL, je vois mes filles grandir. Je vois ma vie avec leur papa, puis sans lui et désormais avec Julien.
C’est vraiment ce genre de page qui parle de moi et où j’en suis dans la vie. Cela se lit sur les traits de mon visage.Nous sommes en Bretagne toutes les 3 et nous sommes super souriantes. Ce n’est sans doute pas la plus belle des photos mais elle reflète comment je me sens.
3 Peux-tu nous partager une création/portrait qui te touche? Pourquoi?
Je pense à une photo parfaitement imparfaite.
Nous sommes en 2017. Avec Julien, nous prenons l’avion pour Lanzarote. C’est la première sortie de France pour les filles. Ce voyage c’est un élan vers l’avenir, me dire que j’ai osé embarquer en prenant les filles sous le bras. J’avais très envie de voyager avec elles et cette photo respire notre joie de vivre ensemble le moment.
Mais en fait je pense à de nombreuses photos qui me touchent.
En 2014, j’ai une photo de moi avec mes filles en balade, juste au moment de la séparation. Nous sommes toutes sourires et pleines d’espoir pour l’avenir qui s’ouvre à nous.
Toujours en 2014, j’ai une photo des 60 ans de mariage de mes grands-parents. Ma grand-mère va décéder l’année qui suivra. Là nous sommes tous là, souriants même si mamie fait déjà un peu absente.
En 2015, je m’offre ma première séance photo. Nous sommes à Nantes sur une passerelle.
Ces photos de ma vie de femme sont aussi un témoignage. Elles peuvent donner de l’espoir, de la force aux femmes qui hésitent à vivre des séparations, à faire des choix.
4 Dans la vie, on a des convictions, des combats, des cicatrices.
As-tu une cause qui te tient à cœur, un engagement associatif?
J’ai été un temps dans une association de scrap.
IL y a des convictions qui me tiennent à cœur mais je n’ai pas le temps actuellement pour un engagement associatif.
Ce qui m’importe, c’est l’injustice.
Longtemps j’ai voulu être celle qu’on voulait que je sois.
Je suis hypersensible et tout se lit sur mon visage. Les gens qui montrent trop d’émotions ça ne passe pas toujours aussi j’ai souvent fermé ma gueule.
Je veux préparer mes filles à vivre leur personnalité pleinement et à ne pas s’inquiéter des jugements faits au premier abord.
Je peux imaginer à terme m’engager auprès de l’UNICEF. J’ai une pensée pour les vendeurs de cartes à Noël. Ma grand-mère y était bénévole.
5 Comment témoignes-tu dans ta vie créative de tes valeurs? Est-ce important?
Peux-tu nous citer un exemple?
Je ne me pose pas la question de savoir si mon scrap véhicule mes valeurs. Je scrappe de belles photos pour des pages ou du project life.
Je souhaite rester naturelle sans trop édulcorer le quotidien.
Je garde les mini-albums pour les bons moments avec de belles photos.
Peut-être que ma valeur, ce à quoi je tiens est de raconter mes semaines avec mes filles. Ainsi même lors du décès de ma grand-mère, j’ai tenu à faire une page en N&B. Certains moments de la vie peuvent être très violent mais je ne veux pas masquer la vraie vie.
6 Un “unique” verbe d’action comme conseil créatif?
« SE FAIRE PLAISIR »
Créer sous la contrainte c’est horrible. Ce ne sera jamais là que tu donneras le meilleur de toi.
C’est comme vouloir rentrer dans les chaussures de quelqu’un d’autre, ça ne peut pas fonctionner.
7 « Et je choisis de vivre » est le titre d’un film sur le deuil, réalisé par Nans (de Nus & culottés).
Nous sommes tous touchés par le deuil.
Quelle est ta manière de rendre hommage?
As-tu déjà scrappé des photos de personnes défuntes?
J’ai perdu 3 de mes grands-parents
J’étais collégienne quand j’ai perdu mon grand-père paternel. Je le retrouve dans les traits de mon papa.
J’ai des souvenirs matériels de mes grands-mères. Une bague de ma grand-mère maternelle que je porte quasiment quotidiennement. J’ai un buffet des années 60 qui appartenait à la sœur de ma grand-mère paternelle.
Je n’ai pas scrappé mes « étoiles ».
À la demande de mon chérie Julien, j’ai fait un portrait de ses grands-parents maternels. Il me tenait à cœur de lui faire plaisir. Quand j’ai demandé quels étaient leurs prénoms, il m’a dit André et Jeanne. C’est donc A & J, comme nous Aurore & Julien. C’est un joli clin d’œil du destin.
8 Tu réalises un projet life sur ton quotidien. Quelle est ton intention avec ce projet ?Quel serait ton principal conseil pour tenir un projet sur le long terme?
Quand j’étais plus jeune, j’avais un journal intime. Même si je l’ai abandonné j’aimais bien coucher sur le papier toutes mes histoires.
J’ai découvert Ali Edwards et son project life. J’étais fan et il semblait tellement facile de le faire. Ce projet ressemblait à un prolongement du journal intime. Mais je ne me suis pas lancée tout de suite.
Au démarrage j’ai fait le choix que ce ne serait pas mon journal mais celui de mes enfants. Je commence en 2009 avec un format A4 à la naissance de Chloé. C’est alors une page par semaine et je m’y tiens sans trop de retard.
En 2012 je début au « vrai format » à pochette 30×30, cela devient notre journal de famille. En fait je pense à ce projet courant 2011 mais je ressens le besoin de le commencer au 1er janvier de l’année.
Au fil des années, cette rigueur sera là. Je ne peux pas louper une semaine. Je trouve toujours un moyen pour avoir à minima une page pour chaque semaine. En fait, je veux laisser une trace de notre vie avec les bons comme les mauvais côtés.
Par exemple, dans mon PL, il y a en 2014 la séparation avec le papa des filles. Comment laisser une trace de cela sans que ce soit larmoyant, sans raconter nos trucs d’adultes ? Grâce à mon retard je ne suis pas à chaud pour réagir avec mon hypersensibilité ou mes frustrations.
Aujourd’hui, le plus souvent les filles regardent les photos. Elles liront les textes plus tard. Ainsi j’ai écrit 2 cartes au journaling caché en 2014 qui évoque l’élément déclencheur de notre séparation.
Une autre fois, on trouve dans mon PL le texte lu à l’enterrement de ma grand-mère.
Suis-je à jour ?
Oui pour les années 2012 à 2018.
J’ai du retard pour les 3 (bientôt 4) dernières années.
Mais pour en revenir à principal conseil, je partagerai ceci. Il y a des périodes où je me pose la question de continuer ou pas. Une semaine sur 2 je n’ai pas les filles et je n’ai rien à raconter. Mais ce projet est si précieux que je souhaite le poursuivre.
Pour y arriver :
- Je prends des notes dans un carnet-agenda. J’essaie chaque soir, d’y jeter une phrase pour me souvenir de mes émotions.
- Je classe mes photos par semaine. J’ai dû mal à faire le tri car même une photo floue est pour moi un témoin
Et puis je dirai « ne pas se prendre la tête » cela reste du scrap.
9 Tu es une maman solo, comment cela impacte ta vie de créative: dans ton organisation, dans ce que tu souhaites raconter dans ton scrap ?
Côté organisation, les filles sont en garde alternée.
La semaine sans les filles, je ne scrappe pas davantage. J’ai souvent plus de RDV à gérer mes semaines en solo et je manque d’énergie alors pour le scrap.
La seule différence est que je vais scrapper sur la table du salon et que je n’aurai pas besoin de ranger chaque soir.
Je scrappe essentiellement le soir, ou en journée le week-end. J’essaie de ne rien cacher tout en prenant un peu de recul sur la façon de formuler les évènements
J’adore voir les filles feuilleter les albums. Elles peuvent y voir les grands moments comme la famille plus lointaine. Je n’ai pas non plus déchiré les photos de leur papa.
Mes attentes n’ont pas changé : ma vie, la leur, les gens qui passent dans notre vie.
10 Une question à me poser?
Tu as une capacité à raconter à l’écrit. Aurais-tu envie de faire un podcast ? D’avoir une expérience à l’oral ?
Curieusement, l’élan premier de ce projet de portraits de femmes, je le souhaitais pour un Podcast. J’avais commencé à me renseigner et à préparer la commande d’un bon micro.
J’imaginais des conversations autout de la créativité, de son rapport à l’image, des questions de femmes.
Mais la photo, le scrapbooking sont avant tout des pratiques visuelles. Souvent nos créations parlent de nous de bien des manières . Je voulais que même des invitées qui ne seraient pas à l’aise avec les mots ou le fait de se raconter, puissent s’appuyer sur leurs créations: photos, pages de scrap ou tout autre support.
Aussi le podcast devint article de blog.
Mais j’ai la chance de vivre à l’oral les premiers temps de ces portraits avant d’être retranscrits. C’est toujours un chouette moment. Parfois sur le début, il y a un peu de crispation. C’est le temps de se découvrir, de créer un climat de confiance, ce complicité.
Beaucoup me disent à la fin que ce témoignage est différent, intime mais qu’il touche au coeur. Que ce moment leur fait du bien, pour se redire ce qui compte.
agnès
J’accompagne les femmes et les familles dans la création de portraits de vie & d’hommages à partir de leurs propres photos avec mon expertise du scrapbooking